Guidette Carbonell (1910 – 2008) est une artiste prolifique connue tout d’abord dans le domaine de la céramique, et plus particulièrement de la faïence émaillée. Née d’une mère peintre et d’un caractère résolument indépendant, elle se forme au dessin hors du circuit des Beaux-Arts. Elle suit dès l’âge de 15 ans des cours dans les ateliers libres de la rive gauche parisienne puis fera des études primaires et secondaires à Sèvres. Par la suite, elle s’inscrit simultanément à l’académie de la Grande-Chaumière, à l’académie Suédoise et à l’académie Ranson, où elle bénéficie de l’enseignement des peintres André Lhote, Othon Friesz et Roger Bissière. Elle achève sa formation au sein d’une école d’arts décoratifs située rue de Fleurus, où elle va s’initier au modelage de la terre et développer un gout tout particulier pour cette discipline.
Ses premières créations sont principalement de la vaisselle et de la sculpture aux couleurs vives. Elle se fait connaître dès sa majorité au Salon d’automne de 1928 où, avec d’autres jeunes artistes de sa génération, elle apporte un renouveau dans le monde des arts du feu. Ses céramiques réintroduisent les arts plastiques et la figuration, dans un contexte de grande sobriété formelle où les générations d’artistes précédentes s’inspirent fortement des traditions artisanales asiatiques.
Tout au long de sa carrière elle sera profondément attirée par le monde de l’enfance. Dans l’immédiat après-guerre, entre 1946 et 1948 ses pièces inspirées de Bernard Palissy présentent chérubins et animaux espiègles dans un univers mythologique plein d’humour.
Elle produira également dans l’immédiat après-guerre de nombreuses pièces pour la galerie Jeanne Bucher parmi lesquelles des plats et jardinières où figurent des décors modelés ou gravés de bêtes fantastiques et de végétaux. Dans les années 50 elle explore un mode d’expression tirant un peu plus vers l’abstraction sans jamais vraiment quitter son univers figuratif.
Au gré des commandes, elle a été amenée progressivement à concevoir des projets ornementaux dans le domaine de l’architecture, notamment pour l’exposition internationale des arts et techniques de 1937. Du débuts des années 50 à la seconde moitié des années 70, avec l’adoption de la loi du 1 % architectural par le gouvernement, Guidette Carbonnell sera sollicitée par plusieurs grands architectes de la reconstruction. Elle va réaliser de grandes compositions murales, des décors, des sculptures, des fontaines ou même du mobilier pour la construction de plusieurs établissements liés à l’enseignement. Elle œuvrera plus rarement dans le domaine privé en réalisant quelques projets à plus petite échelle pour elle-même, des amis ou pour des commandes.
Dans les années 1960, Guidette Carbonnell trouvant la céramique trop fastidieuse, recherche de nouveaux supports de création lui permettant de se rapprocher de sa vocation première de peintre. S’intéressant depuis longtemps à l’art mural, c’est à la fin de cette décennie qu’elle abandonnera définitivement la céramique, afin de se consacrer pleinement à ses projets architecturaux et à la tapisserie.
Ce médium, Guidette Carbonell va se l’approprier instinctivement, remplaçant l’aplat de peinture par des pans de tissu. Sa technique consistera à découper et assembler des morceaux de textiles afin de les coller, les coudre et de les surpiquer sur une tenture molletonnée. Ses compositions trouvent leur origine dans de grands cycles de petits dessins aux pastels, à la craie, crayons de couleurs et feutres sur des petites feuilles de papier ou de carton généralement colorés. Ceux-ci, peuvent éventuellement servir de base à des dessins préparatoires sur calques qui se voient par la suite transposés en tapisseries.
Passionnée par les oiseaux depuis sa jeunesse, ce sont des thématiques aviaires qu’elle va tout d’abord développer au travers de ses tapisseries : les Hiboux, les Chouettes et les Harpies.
Ses Hiboux et Chouettes sont un sujet récurrent abordé dans ses séries d’Idoles en céramique et en ciment émaillé, et se retrouveront dès la fin des années 60 transposés en tapisseries. Représentés seuls ou en duo, l’artiste intitule ses oiseaux nocturnes fantaisistes selon leur expression, leur caractère. Elle arrêtera de produire ce type de sujet en tapisserie à la fin des années 70. Ces rapaces reviennent très régulièrement dans ses grands cycles de dessins, notamment dans les années 70 et apparaitront jusque dans les années 90.
Les Harpies sont un thème qu’elle développe déjà dans son travail de céramiste depuis la fin des années 50, notamment au travers de ses séries d’idoles. Créatures mythologiques et rapaces sud-américain bien réels, elles sont représentées par Guidette Carbonell comme des oiseaux échassiers hiératiques, au regard éberlué hypnotique et couronnés d’une mandorle, dont l’apparence semble à la fois influencée par l’art roman et les arts premiers. Cette série se déclinera en tapisseries sous la forme de Harpies ou d’Oiseaux-fleurs, toujours plus colorées jusqu’à la fin des années 80.
Bibliographie : F. Bodet, K. Lacquemant, « Guidette Carbonell », éditions Norma, Paris, 2007